62b.publié le 11Novembre2011.lescorpshurlants
Les corps hurlants
Roses Guerrières
Aujourd'hui 11 Novembre 2011, jour de commémoration des "grandeurs et misères d'une victoire"
boucherie hurlante et boucherie silencieuse quelle différence?
Cet instant « solennel » rappelle une image que connaissaient les enfants des villages chaque année, « l'école des filles » et « des garçons » rassemblés derrière la petite haie entourant un bloc de pierre, une obélisque. Des noms sont gravés dessus aux quatre côtés, il y a des adultes avec des drapeaux, des écharpes tricolores, entre de longs silences, on entend le roulement d'un tambour. Puis vient le son du clairon; la sonnerie "aux morts" .
Un enfant n'oublie jamais cela.
Puis s'approche un adulte devant chaque côté, c'est toujours plus impressionnant lorsque que ce sont « des proches qui s'approchent »; des oncles. Et un commence à engrener les noms, un autre lui répond en écho: « mort au champ d'honneur ».
« mort au champ d'honneur »... Un enfant n'oublie jamais cela.
Ce n'est bien plus tard que l'enfant devenu grand apprend que ce champ d'honneur était une boucherie, pour « sauver la patrie ». Une boucherie hurlante et assourdissante au service des dominants. Une tromperie, une trahison, les mots sont trop faibles. De nos jours cette boucherie est devenue silencieuse et insidieuse mais c'est la même, elle est propagande démesurée car « technicisée ».
Elle étouffe mais les corps hurlants demeurent, se regroupent et s'agrandissent.
Elle est pollution industrielle qui vous dévore par l'intérieur; le corps se décompose vivant. Le césium 137 par exemple est tellement voisin du potassium que le corps le croit ami et le corps baisse la garde...trahi...par sa propre espèce.
L'humain trahi l'humain. Plus d'immunité, plus d'humanité.
Elle est aussi pollution mentale devenue banale, nous sommes en guerre, encore trop de gens ne veulent pas le voir, ils fuient à toute jambe pour s'enfoncer la tête dans le sable mais même le sable est mouvant, rouge ou radioactif , la terre tremble et s’effondre sous leurs pieds et l'eau déborde. Les commanditaires de ces guerres pour le pouvoir et l'argent sont d'ailleurs les mêmes que jadis (banquiers, industriels, politiciens, généraux...), les corps hurlants de douleur se souviendront-ils à temps qu'ils sont des hommes ? Il suffirait d'un rien pourtant, car les corps hurlants sont beaucoup plus nombreux, plus riches d'humanité, de diversité, d'imagination et créativité mais se sentent peut-être paralysés ; ils attendent « l'homme agissant ». Ne se connaissant pas eux-même, la propagande leur a fait oublier que l'homme agissant c'est chacun d'eux et tous ensemble. Agir ou ne pas agir ?, là est la question.
Une guerre des idées est salutaire, revenir à l'essentiel, c'est quand ils frôlent leur vieille angoisse la mort que les hommes se souviennent, lumineux, le corps se souvient : la vie , l'amour.
Roses guerrières
Fête aux lanternes en acier
Qu'il est charmant cet éclairage
Feu d'artifice meurtrier
Mais on s'amuse avec courage
Deux fusants rose éclatement
Comme deux seins que l'on dégrafe
Tendent leurs bouts insolemment
Il sut aimer Quelle épitaphe
Un poète dans la forêt
Regarde avec indifférence
Son revolver au cran d'arrêt
Des roses mourir en silence
Roses d'un parc abandonné
Et qu'il cueillit à la fontaine
Au bout du sentier détourné
Où chaque soir il se promène
Il songe aux roses de Sâadi
Et soudain sa tête se penche
Car une rose lui redit
La molle courbe d'une hanche
L'air est plein d'un terrible alcool
Filtré des étoiles mi-closes
Les obus pleurent dans leur vol
la mort amoureuse des roses
...
Toi qui fis à l'amour des promesses tout bas
Et qui vis s'engager pour ta gloire un poète
O rose toujours fraîche ô rose toujours prête
Je t'offre le parfum horrible des combats
Toi qui sans défleurir sans mourir succombas
O rose toujours fraîche au vent qui la maltraite
Fleuris tous les espoirs d'une armée qui halète
Embaume tes amants masqués sur leurs grabats
et cetera
et cetera.
Guillaume Apollinaire